Maître Safya Prêté
Avocat au Barreau de Paris
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Paris, le 31 mai 2016

La médiation française passe l’épreuve du droit :

de l'esprit à la pensée de la médiation

 

SAFYA PRÊTÉ

AVOCAT À LA COUR

 

« Soyez chacals ou soyez loups,

Les juges sont plus forts que vous.

Écoutez-moi (la chose est sûre),

Méfiez-vous d’la magistrature ! »

 

Alphonse ALLAIS (1854 - 1905) 

Amour, Délices et Orgues, Le lion, Le loup Et Le chacal.

 

 

Ainsi, la médiation a été mise à mort et tout serait dû à des rumeurs d’incompétence de personnes ayant été missionnées judiciairement en qualité de médiateur ; et il se serait avéré qu’elles n’en avaient ni la formation, ni les qualités.

Ces personnes auraient réussi à tromper des juges et porté atteinte aux droits des justiciables.

De ces cas d’incompétence, deux députés[1] auraient fait le lit d’un amendement inapproprié car propre à fossoyer la médiation judiciarisée, paralysant le travail aussi long que précieux de ses défenseurs et promoteurs.

Et si l’on prenait le temps de comprendre le mouvement législatif en cours et ses répercutions sur la médiation ?

De tenter d’en appréhender les enjeux ? D’esquisser les possibles offerts par le législateur, dans ce domaine ?

Et si l’on acceptait de prendre le temps, ce temps que nous autres chantres de la médiation exigeons des non-initiés, lorsque l’on prend passionnément plaisir à partager nos scansions au sujet de notre art, bien entendu dans le but de réussir à convaincre de cette voie de pacification.

Le temps d’aller au fond des dispositions législatives à venir et touchant à la médiation.

Il n’est pas sérieux de vouloir imposer au Législateur, sans plus d’arguments que la mémoration d’expériences réussies (ineffables car placées sous le sceau de la confidentialité),  le seul esprit de la médiation comme facteur de la garantie du bon usage d’un processus payant.

Car, « À l’origine de toute connaissance, nous rencontrons la curiosité ! Elle est une condition essentielle du progrès » (Alexandra David - Néel / 1868-1969).

Nous autres amis de la médiation n’avons d’autres choix que de continuer à être curieux, studieux et positif pour porter notre idéal. Dès lors, acceptons le double défi de transparence et de compétence lancé par le Législateur et continuons à porter le combat en faveur de la médiation, dans l’intérêt des justiciables et des passionnés de médiation.

La compréhension des enjeux législatifs actuels portant sur la médiation (2) passe par les chemins de la meilleure connaissance possible de la médiation (1)

1. Les chemins de la connaissance de la médiation : des origines et des causes du traitement de la médiation par le projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire dite Justice du 21ème siècle[2] 

* Les années 80 ont vu la tenue des premières expérimentations de médiations pénales. La médiation, comme procédé de traitement des différents pouvant aboutir à une procédure judiciaire ou utilisé pour mettre fin à un différent judiciarisé, a été introduite en France, sous l’impulsion de juristes québécois venus faire des colloques au sein du Barreau de Versailles.

Ensuite de ces conférences, les premières associations et centres de formation créés à l’initiative d’avocats se forment[3].

 

*Il existe différentes définitions du terme médiation tant il existe de pratiques. Peut-être pourrions-nous retenir celle proposée par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec[4], à savoir :

« La médiation est un processus volontaire et flexible, qui se déroule dans un cadre privé et confidentiel. Une personne neutre et impartiale, le médiateur, aide des personnes impliquées dans un conflit à communiquer, à tenter de résoudre leurs difficultés et à trouver par elles-mêmes une issue favorable à leur mésentente ».

Ainsi la médiation peut s’entendre d’un procédé et d’« un espace et un temps »[5]  de mise en dialogue à l’usage de particuliers ou de professionnels, personnes physiques ou représentantes de personnes morales, se trouvant en manque ou en rupture de communication alors qu’elles ont à œuvrer ensemble (voisins, couples, familles, entreprises, employés, employeurs, chef d’établissements scolaires, etc.).

Le procédé ne peut fonctionner sans le respect de règles précises : indépendance, désintéressement, impartialité, neutralité du médiateur ; liberté d’engagement du processus, confidentialité des échanges (les parties pouvant, toutefois, choisir de divulguer tout ou partie des échanges, et ce d’un commun accord).

Ces règles issues de la pratique, qualifiées de cadre de la médiation, sont fixées de manière dogmatique comme cadre essentiel au processus pour sa réussite.

L’on voit que la médiation, ce n’est pas du droit. Elle est un art, un concept, une idée forme[6], un mode de communication, un outil de résolution des conflits, la science des origines des conflits, un moyen de gérer des projets, des équipes. En aucun elle n’est une matière juridique.

Issue de la société civile[7] comme mode de pacification des relations humaines, et après avoir séduit des travailleurs sociaux, des sociologues et des enseignants, la médiation séduit juristes, avocats, magistrats[8], notaires, huissiers de justice. Certains se forment pour devenir médiateurs, donc tiers de processus de médiation. D’autres se sont formés pour accompagner leurs clients en médiation (avocats, coachs, notaires, etc.) : car la médiation peut aboutir à un processus de négociation et nécessiter, en amont, la réflexion d’une stratégie de médiation, allant du choix du médiateur au choix du lieu des réunions de médiation.

*C’est aussi dans les années 90 que le Législateur s’est intéressé à la médiation et à d’autres modes pacifiants de résolution de litiges.

La loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative institue la médiation qualifiée de judiciaire[9], sans pour autant en définir le cadre. Le Législateur pour autant retient une différence entre la médiation judiciaire et la conciliation, processus traités dans la même loi.

C’est le début de l’ancrage législatif de la médiation. Les représentants et promoteurs de la médiation sont invités à s’exprimer, des expérimentations sont menées, les premiers rapports d’information et études sont publiés à la demande de diverses instances étatiques[10]. Les auteurs d’ouvrages fondamentaux d’introduction au droit s’essayent à sa description[11].

* La Directive européenne du 21 mai 2008, transposée en France en novembre 2011[12], instaure un cadre juridique à la médiation, reconnaissant la médiation comme un outil efficace de garantie des droits du justiciable dans les matières civiles et commerciales.

* L’intérêt bienveillant du Législateur à l’égard de la médiation encourage ses promoteurs à s’unifier utilement. La Plateforme de la Médiation Française doit ainsi être signalée, une organisation regroupant les 7 principales associations de médiation[13], dans le but de permettre à ses représentants d’échanger et d’organiser leur communication vis-à-vis des pouvoirs publics[14], pour une meilleure connaissance et information. Il s’agit aussi d’organiser la consultation de ses représentants dans le cadre de réformes portant sur la médiation[15].

*Les promoteurs de la médiation cherchent à acquérir des lettres de noblesses. Ils découvrent, aujourd’hui, La Force et La Densification Normative[16] comme contrainte à l’expansion libre du processus, lui-même régulé par un cadre et un code d’éthique des médiateurs. Ils s’en émeuvent et proposent des solutions assez audacieuses ; allant jusqu’à proposer une purge linguistique, en vue de permettre de distinguer la médiation de tous les autres modes de règlement des différends, notamment de la conciliation[17].

(2) Les enjeux des évolutions législatives en cours :

Depuis le début du mois de mai 2016, à la faveur d’un amendement[18], de nombreuses associations ont fait part de leur émotion, à la crainte de voir battue en brèche la règle de confidentialité lors de médiation judiciarisée[19].

*L’amendement n° CL186 à l’article 4 du projet de loi portant action de groupe et organisation judiciaire (N°3204), proposant la création d’un article 22-0 modifiant la loi n°95-125 du 8 février 1995 précitée, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, est ainsi rédigé :

« Après l'article 22 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, il est inséré un article22-0 ainsi rédigé : « Art. 22-0. - I. - Il est établi, pour l’information des juges, une liste des médiateurs dressée par chaque cour d’appel.

« II. - L’inscription initiale en qualité de médiateur sur la liste dressée par la cour d’appel est faite, dans une rubrique particulière, à titre probatoire pour une durée de trois ans.

À l’issue de cette période probatoire et sur présentation d’une nouvelle candidature, le médiateur peut être réinscrit pour une durée de cinq années, après avis motivé d’une commission associant des représentants des juridictions et des médiateurs. À cette fin, sont évaluées l’expérience de l’intéressé et la connaissance qu’il a acquise des principes directeurs des modes alternatifs de règlement des différends, du procès et des règles de procédure applicables aux mesures  d’instruction confiées à un technicien.

Les réinscriptions ultérieures, pour une durée de cinq années, sont soumises à l’examen d’une nouvelle candidature dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.

« III.- La décision de refus d’inscription ou de réinscription sur la liste prévue au I est motivée.

« IV.- Lors de leur inscription initiale sur une liste dressée par une cour d’appel, les médiateurs prêtent serment, devant la cour d’appel du lieu où ils demeurent, d’accomplir leur mission, de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience. Le serment doit être renouvelé en cas de nouvelle inscription après radiation.

« V. - Les personnes inscrites sur la liste prévue au I ne peuvent faire état de leur qualité que sous la dénomination : « de médiateur près la cour d’appel de... ».

La dénomination peut être suivie de l’indication de la spécialité du médiateur.

APRÈS ART. 4 N° CL359 (Rect) 2/2

« VI. - Le retrait d’un médiateur figurant sur la liste prévue au I peut être décidé soit par le premier président de la cour d’appel soit à la demande de l’expert, soit si le retrait est rendu nécessaire par des circonstances telles que l’éloignement prolongé, la maladie ou des infirmités graves et permanentes.

« VII. - Toute personne, autre que celles mentionnées au II, qui aura fait usage de la dénomination de « médiateur » visée au présent article, sera punie des peines prévues aux articles 433-14 et 433-17 du code pénal. Sera puni des mêmes peines celui qui aura fait usage d’une dénomination présentant une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public avec cette dénomination.

« VIII. - Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et détermine la composition et les règles de fonctionnement de la commission prévue au II. » »

Cet amendement, dont les termes ont finalement été supprimés lors du vote solennel de la loi le 25 mai 2016[20], appelle toutefois un examen de ses dispositions tant elles peuvent préfigurer du traitement à venir possiblement réservé à la médiation judiciarisée par l’État.

Rappelons aussi que le fait de renvoyer la responsabilité de définir les conditions de la constitution et du renouvellement de la liste des médiateurs par la voie d’un décret en Conseil d’État n’est pas forcément de bon augure, puisque le Législateur devient le pouvoir règlementaire, le pouvoir représenté par des personnalités qui n’auront pas forcément été mises en contact avec les médiateurs auditionnés depuis plusieurs années par les membres du Parlement.

Par ailleurs, un décret en Conseil d’état ne peut être modifié que par une norme de même valeur, rigidifiant les conditions de la liste en préparation.

Ainsi, et sans préjuger de l’avenir réservé par les conseillers d’état à la liste de médiateurs, il est à souhaiter une grande intelligence du processus de médiation[21], et ainsi permettre au dit processus de sortir de la zone du risque d’appropriation par des intérêts privés[22], en faveur de l’État et dans l’intérêt des usagers du service public de la Justice.

* Ainsi, a émergé l’idée de faire prêter serment aux médiateurs qui seraient inscrits sur la liste de rendre rapport de leur mission et d’émettre un avis « en leur honneur et conscience ».

En réalité, le rapport et l’avis sont issus de pratiques (a). Ce qui soulève, à notre sens le plus de difficultés est l’atteinte à l’indépendance du médiateur (b).

a- La pratique du bilan de médiation et le traitement officieux des contacts avec le juge :

La médiation judiciarisée commence par une réunion d’information à la demande du juge saisi du contentieux ou des conseils des parties. À l’issue de cette réunion, un premier bilan est rempli par le médiateur avec des éléments objectifs : date et lieu de réunion ; identité et coordonnées des participants.

De même, à l’issue de la mission, le médiateur rend un bilan n’évoquant que des éléments formels de la mission. Éventuellement, il décrira la chronologie des réunions de médiation. Il pourra évoquer l’occurrence d’une difficulté irrésistible et indépendante du comportement des parties ou de leurs conseils.

Le juge qui a désigné le médiateur est souvent (tenté) de s’informer sur le déroulement de la mission auprès de son émissaire. Ce dernier, sans évoquer le fond de sa mission, pourra confier au juge des éléments de pure forme sur le fait, à titre d’exemple, que les réunions s’organisent ; il peut, aussi, inviter le juge à contacter les parties ou leurs conseils.

En effet, le médiateur formé à la médiation et qui met en application ses obligations éthiques (analyse de pratiques, supervision, universalité) est suffisamment vigilant sur le fait que les informations demandées par le juge ne peuvent être fournies que s’ils ne mettent pas en péril sa mission, notamment en préservant l’obligation de confidentialité à laquelle il est soumis.

La majorité des médiateurs judiciairement nommés font usage de ce rapport à bon escient, ne dévoilant de leur mission que ce qui ne vide pas son obligation de confidentialité de sens.

Les difficultés rencontrées et résumées dans l’exposé de l’amendement susmentionné, motif de la proposition d’amendement, sont le fruit de comportements de médiateurs non formés ou mal formés à la médiation.

L’amendement est révélateur de pratiques voulues officielles, pratiques existantes qui ne mettent pas en péril la règle de confidentialité des échanges, au cours du processus de médiation, lorsque le médiateur reçoit la formation adéquate[23].

b- En revanche, l’idée de vouloir officialiser, légaliser la pratique de l’information au juge soulève des difficultés quant à l’indépendance du médiateur par le risque d’occurrence de conflits d’intérêts.

L’on peut comprendre que confier à un médiateur la mission de tenter de rapprocher des parties est une responsabilité importante pour le magistrat[24], lequel peut estimer se dépouiller d’un pouvoir, celui de trancher un contentieux.

Or, le médiateur ne tranche pas de contentieux. Il n’a pas à proposer des solutions aux parties à un contentieux. Sa mission est de tenter la mise ou la remise en place de voies de communications entre des parties. Le médiateur est un pont, en aucun cas une épée.

Sa mission est réussie dès lors que la communication est mise en place. Comptant sur la capacité des parties à se responsabiliser et à comprendre la genèse de leur contentieux, par une exploration des causes et des origines des difficultés ayant aboutis au dit contentieux, ce sont les parties qui travaillent à la planification de leurs difficultés et à la résolution de leur contentieux.

Certes, pour le juge, la mission achevée n’est réussie que si le litige dont il a été saisi se trouve, en tout ou partie, éteint.

Voyez le fossé qui existe entre le rôle du juge saisi et la mission du médiateur nommé. Le médiateur a essentiellement besoin de confidentialité et de temps ; le magistrat a des obligations de transparence, d’efficacité et de motivation de décisions.

Ce fossé tend à se creuser lorsque l’on replace la proposition d’amendement dans un contexte législatif évoluant vers le souhait d’une modernisation et d’une meilleure transparence du service public de la justice[25] dans l’intérêt des justiciables, un souhait relevé au travers de divers rapports et études préparatoires au projet de loi précité.

L’enjeu de l’évolution législative, laquelle fait entrer la médiation dans le droit, est de réussir, malgré la Force Normative, à préserver l’indépendance du médiateur. Aucun risque de conflit d’intérêt ne doit mettre en péril sa mission.

Le conflit d’intérêt peut être déduit d’une position ascendante du juge missionnant le médiateur, ayant les moyens de pression nécessaires propres à obtenir du médiateur qu’il accepte de lui fournir des éléments échangés en cours de processus, sous le sceau de la confidentialité, des éléments qui ne peuvent être qualifiés d’objectifs ou, à tout le moins, objectivables.

Le conflit d’intérêt peut aussi être soupçonné du fait de la nomination des mêmes médiateurs, sous le prétexte d’une bonne connaissance du domaine traité par le contentieux ; ou par habitude ; ou du fait de la profession ou de l’ancienne profession du médiateur (juge à la retraite, chef d’entreprise, psychothérapeute, etc.).

Encore une fois, les termes du décret en Conseil d’état à venir seront cruciaux pour appréhender les modalités et les enjeux de la liste de médiateurs établis pour l’ « information » des juges. Les conditions décrites dans l’amendement abandonné seront-elles reprises ?

*En attendant, il est important de souligner les aspects positifs de la Loi et l’avenir radieux réservé à la médiation.

L’un de ces aspects positifs est l’adaptation linguistique que le Législateur s’est imposé en ne différenciant plus la médiation judiciaire de la médiation conventionnelle. Le Législateur différencie en fonction de l’initiateur du processus. Là encore, l’on peut ergoter à plus fin en faisant valoir que la médiation est toujours et uniquement à l’initiative des parties. Un peu de sémantique permet de clarifier ce point : l’initiative de la médiation est à celui qui la propose. Les parties et le médiateur sont, quant à eux, invités à y adhérer volontairement et les seuls à pouvoir le faire[26].

Le juge qui prend l’initiative d’un tel processus ne peut désigner les volontaires ! Il peut convoquer à une réunion d’information, fortement inciter à tenter une médiation. Aller au-delà de ces procédés, dans le cas d’un contentieux qui semble ne pouvoir être tranché que par un juge (atteinte à l’ordre public, cas de droits indisponibles, situation d’extrême déséquilibre entre les parties), ce serait se trouver dans une situation où le juge prendrait une décision d’imposer le processus de médiation, décision contraire aux dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, lesquelles garantissent l’accès au juge[27].

* L’article 4 du projet de loi sur la Justice du 21ème siècle institue le cadre juridique de la médiation, un cadre qui manquait à la loi de 1995 précitée[28], et qui permet de mettre fin aux tentatives d’appropriation du processus par représentants d’associations, des auteurs, des défenseurs de la médiation ayant tendance à vouloir imposer une pratique unique, alors que cette pratique issue de la société civile est essentiellement polymorphe.

* La discrétion de la Loi sur la médiation non judiciarisée, c’est-à-dire initiée par d’autres que par le juge, en dehors de tout contentieux, nous amène à nous intéresser aux termes d’une autre évolution législative, celle ayant abouti à la réforme du droit des contrats[29].

* Il devient indispensable pour les centres et instituts formant à la médiation de s’atteler à la tâche d’analyser et de former leurs élèves au droit des obligations, car la médiation non judiciarisée est sanctionnée par le droit des contrats.

Dans sa mise en place, sa réalisation et ses suites, le processus de médiation est source de droits et d’obligations. Le droit des obligations peut entraîner la mise en cause des responsabilités des protagonistes d’une mission ; il est le moyen de sécuriser juridiquement une mission.

* Les médiateurs ont le devoir de baliser le terrain mouvant de la Loi qui officialise des pratiques de médiation et de prévoir des clauses, des contrats de médiation, des accords de confidentialité précis et respectueux de ladite Loi.

* La bonne foi ne peut plus être méprisée durant les missions de médiation, puisque son respect sera bientôt légalement sanctionné, de la négociation de la clause ou du contrat de médiation, jusqu’à l’exécution et les suites du processus conventionnel[30].

Ainsi, le Législateur, en sanctifiant une pratique jurisprudentielle, favorise l’architecture de leur loi par la volonté des parties et sur le fondement de leur bonne foi, c’est-à-dire de leur comportement loyal, honnête et respectueux de la loi.

L’apport de ces dispositions est précieux car il propose des arguments imparables à l’intérêt de tenter une médiation.

*Sans doute la médiation judiciarisée va t’elle être ralentie dans son irrésistible expansion. D’autant qu’elle reste en concurrence avec la conciliation d’accès simple et de faible coût, pratiquée par des conciliateurs dont le statut est bien connu et agissant sous le contrôle du juge[31].

Dans le même temps, force est de constater que la médiation non judiciarisée, c’est-à-dire en dehors de toute initiative du juge, a gagné en crédibilité et se voit promise à un avenir radieux. Elle reste le coeur de l'intelligence de la Justice qui rend la Justice intelligente.

 

SAFYA PRÊTÉ

AVOCAT À LA COUR



[1] Amendement n°CL359 rectifié, du 3 mai 2016

 (http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3204/CION_LOIS/CL359.pdf)

[2] Projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle, n° 661, déposé le 31 juillet 2015 : dossier législatif à suivre sur http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/justice_21e_siecle.asp

[6] Le Père FESTUGIÈRE, Commentaires sur le Timée, Livres 1 à 5, O.P., Éditions Vrin, Octobre 1967 à octobre 1998

[7] En réalité, que l’histoire de la médiation relève de l’histoire du droit....à suivre

[8] Sur le GEMME : http://www.gemme.eu/fr

[9] Journal officiel du 9 février 1995 1996. Voir aussi le décret d’application du 22 juillet 1996 publié au journal officiel du 23 juillet 1996.

[10] Lire sur le site de la Cour de Cassation un hors-série :

https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/hors_serie_2074/mediation_8925.html#hautart ; et sur le site de l’Assemblée nationale, en préparation de la Directive n°2008/52/CE du 21 mai 2008 sur la médiation en matière civile et commerciale : http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/europe/rap-info/i3696.pdf

[11] Introduction générale au droit, F ; TERRÉ, p. 570 & s., n°722, Dalloz, 10ème édition)

[12] Ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011, publiée au Journal Officiel du 17 novembre 2011

[13] En suivant ce lien, le texte constitutif de la plateforme est lisible sous format PDF : http://www.fncmediation.fr/PLATEFORME-DE-LA-MEDIATION-FRANCAISE_a42.html

[14] À titre d’exemple, le 30 janvier 2014, au sein du Palais Bourbon, Mme La Députée Marie-Anne CHAPDELAINE écoutait les membres de la Plateforme présenter ses premiers travaux et propositions en faveur de l’accès à la médiation. Lire un abstract sur le site du club des Médiateurs du Service Public : https://clubdesmediateurs.fr/plateforme-mediation-francaise-faciliter-lacces-mediation/

[15] La Plateforme a, ainsi, été consultée dans le cadre du groupe de travail relatif à la médiation et au règlement extra - judicaire des litiges de la consommation en mai 2014 : http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur/rapport_president_recommandations_mediation.pdf

[16] Catherine THIBIERGE, Professeur de droit privé, Université d’Orléans, (dir) et aliii, La Force Normative, Naissance d’un Concept, LGDJ, Oct. 2009, 912 p. & La Densification Normative. Découverte d’un Processus, Paris : Mare & Martin, 2013, 1 204 p.

[17] Le statut de conciliateur de justice est bien cadré par la loi. Le mode de recrutement (pas de juristes en exercice), la formation, les domaines d’intervention, les statistiques de leurs actions sont parfaitement connus. Et leur intervention est... est gratuite. Il existe une nette préférence pour ce mode de règlement amiable de la part des représentants de l’État, des magistrats et de nombreux enseignants en droit. Cette préférence s’est exprimée à plusieurs reprises lors du colloque organisé par la Cour d’appel de PARIS le 15 mars 2016.

[18] Voir note 1

[19] Affiches Parisiennes - du 14 au 17 mai 2016 - n°39, pages 10,11 et 12. Lire aussi le communiqué émis par la Plateforme de la Médiation française précitée : https://ww5.eudonet.com/v7/datas/3993A294FDFFF0FE0FECFFDFCFFD3FDAFDBFD6294FDFFF0FE0FECFFDFCFFD3FDAFDBFD6/Annexes/POSITION_COMMUNE_-_PMF_-_CMAP.PDF  

[20] Article 4 quater (nouveau)

Après l’article 22 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 précitée, il est inséré un article 22-1 A ainsi rédigé :

« Art. 22-1 A. – I. – Il est établi, pour l’information des juges, une liste des médiateurs dressée par chaque cour d’appel, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n°     du      de modernisation de la justice du XXIème siècle.

« II à VIII. – (Supprimés) »

 

[21] Et l’on ne peut douter de la bonne intelligence du processus de médiation et de ses enjeux par les conseillers d’états à lire les documents suivants, à savoir : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000625.pdf &  http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2015/2015-avis_CE/661_AVIS_CE.pdf (§5)

[22] La médiation est le lieu de prédilection du non pouvoir ; ce qui en fragilise la pratique par un risque de mainmise, sous le prétexte de développer un marché, par un nombre restreint de centres. Entraînant une surenchère des honoraires pratiqués, du coût des formations. Aussi l’occurrence possible d’une perte de crédibilité par le fait de missionner ou de faire missionner les mêmes médiateurs

[23] Les organismes de formation et certaines associations de médiateurs offrent les formations à la médiation les plus complètes proposent des formations continues, des sessions d’analyse de pratiques et de supervision. Citons, à titre d’exemple, l’IFOMENE, le CMAP, le CNAM, l’Association Nationale des Médiateurs.

[24] Rappelons les dispositions de l’article 21 du code de procédure civile « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties », dont la sémantique est troublante du point de vue du médiateur.

[25] Voir les pages 1 à 8 du projet de loi : http://www.senat.fr/leg/pjl14-661.pdf

[26] À noter la remarquable et très claire rédaction des articles du chapitre IV du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, JO n°0120 du 25 mai 2016, texte n°30, officialisant et légalisant la pratique de la réunion d’information (l’accord des parties n’est pas nécessaires mais utile) et la désignation du médiateur (l’accord des parties est essentielle car utile)

[27] Contra CEDH MONCILOVIC C/ CROATIE, 26 MARS 2015, D. N°2015-282, 11 MARS 2015 : JO 14 MARS 2015, P.4851 (note de C. ARENS ET N. FRICERO, GAZ PAL., Éd° Pro - vendredi 24, samedi 25 avril 2015 - N° 114 à 115)

[28] Voir note n°9

[29] Voir la réforme du droit des obligations, adoptée par l’Ordonnance n°2016 -131 du 10 février 2016 qui entrera en vigueur à l’automne prochain

[30] Articles 1103 et 1104 du code civil - la bonne foi est une disposition d’ordre public et ne peut donc plus être  perdue « comme la petite vertu » (je passerai sous silence le nom de l’auteure de cette saillie, une Professeure de droit férue de médiation ; et scanderai à l’envi que je lui avais pourtant bien dit que la bonne foi est créatrice de droits) !

L’on peut, cependant, y voir une adaptation au droit anglo-saxon et à l’émergence de la justice négociée, dont une description est proposée dans l’ouvrage d’Antoine GARAPON et Pierre SERVAN-SCHREIBER, Deals de Justice, Le marché américain de l’obéissance mondialisée, et le rôle du « monitor ».

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